Date de naissance : 1er janvier 1902 !

Les Chemins de fer fédéraux suisses ont cent ans !

Depuis cent ans, les CFF appartiennent au peuple suisse. Depuis trois ans, ils sont constitués en société anonyme – CFF SA – entièrement en mains de la Confédération. Bien qu’ils fassent partie comme jusqu’ici du patrimoine national, ils ont été transformés en une entreprise susceptible d’être mise en faillite. Ce changement implique encore d’autres aspects. En particulier, les CFF ne sont plus sous l’emprise directe de la politique, ce qui les rend plus flexibles. «La Suisse est en passe de se voir contournée et, par conséquent, d’offrir bientôt le triste aspect d’un réduit». Ces paroles ont été prononcées lors d’une séance du Conseil national. Il ne s’agissait nullement des débats sur les NLFA, mais bien de l’ouverture de la session de 1849 par le président Alfred Escher. Du coup, les Chambres fédérales se rendirent compte que les chemins de fer possédaient un potentiel de dimension nationale. Aussi est-ce en 1849 déjà qu’une motion fut déposée, aux termes de laquelle le Conseil fédéral était invité à présenter le plan d’un réseau ferroviaire, ainsi qu’une expertise et des propositions concernant la participation à la construction du réseau et aux conditions à remplir pour obtenir une concession.

Tout d’abord, des activités privées…

Le Conseil fédéral présenta en 1851 son message et son projet de loi pour la création d’un chemin de fer national. Le Conseil national refusa ce projet, si bien que les Chambres fédérales décidèrent en 1852 que les lignes de chemin de fer seraient construites par des milieux privés, sous surveillance des cantons. Mais l’idée de créer une compagnie nationale de chemins de fer revint périodiquement sur le tapis. Fin 1872, la nouvelle loi sur les chemins de fer conféra à la Confédération le droit d’accorder des concessions, qui incluait le droit de «racheter» les concessions. En d’autres termes, cela signifie que la Confédération avait le droit de dénoncer les concessions, valables en général pour une durée de quinze ans, cinq années avant leur arrivée à terme. L’objectif de cette politique était de pouvoir s’approprier les chemins de fer.

…puis la nationalisation

En 1883 apparaît la première tentative de «rachat» qui aurait dû se concrétiser en 1888. Elle échoua. Cependant, vu l’âpreté des crises financières, les idées de nationalisation furent de plus en plus fréquentes. C’est au cours des années 1890 qu’un revirement apparut. Tout d’abord, la Confédération acheta des actions des compagnies privées qu’elle finança en partie à l’aide d’un emprunt. Une série d’accidents ferroviaires mit en évidence des lacunes dans la gestion des réseaux et la nécessité d’un sévère régime étatique. Les partisans d’une compagnie nationale de chemins de fer furent dès lors majoritaires. Les lois concernant les caisses de secours, le temps de travail, les droits de vote des actionnaires et le système comptable furent approuvées par les Chambres fédérales et ouvrirent la voie. Elles agréèrent également, en 1897, la «loi sur le rachat des chemins de fer principaux suisses», mais le peuple suisse refusa de lui donner son aval. Le référendum lancé contre elle rassembla quelque 86'000 signatures.

Il était nécessaire toutefois d’éviter que les compagnies ferroviaires les plus importantes ne fassent l’objet de spéculations ou d’ambitions locales, et aussi qu’elles soient mises à l’abri d’une mainmise de capitaux étrangers. Après une lutte électorale acharnée, le peuple suisse posa le 20 février 1898 la pierre angulaire des Chemins de fer fédéraux suisses. Les partisans du oui récoltèrent 386'634 voix, les adversaires 182'718 voix. La politique des petits pas.

Il’est à petits pas que les Chemins de fer fédéraux suisses entamèrent leurs activités. Après la première séance du Conseil d’administration, en octobre 1900, le «Central suisse» (Schweizerische Centralbahn - SCB) commença en 1901 à travailler pour le compte de la Confédération. Le 14 mars, la société SCB devint propriété de la Confédération par «rachat». A cette occasion, le département fédéral des chemins de fer dissolut le conseil d’administration et, huit jours plus tard, l’assemblée générale décida de liquider la société. En juillet, la direction générale des CFF prit le contrôle de la compagnie SCB.

L’assemblée fédérale décida le 18 décembre 1901 d’acheter la société des chemins de fer du Nord-Est-Suisse (Schweizerische Nordostbahn – NOB) et quelques jours plus tard, à savoir le 1er janvier 1902, les CFF assumèrent eux-mêmes l’exploitation des sociétés SCB et NOB, y compris la ligne du Sud argovien (Südbahn) et celle du Bötzberg. C’est ainsi que débutèrent les CFF, qui fêtent cette année leur centenaire.

Extension du réseau grâce à d’autres reprises.

La reprise d’autres entreprises ferroviaires principales compléta petit à petit le réseau des CFF.

1er juillet 1902, Compagnie l’Union suisse (Vereinigte Schweizerbahnen – VSB), y compris le chemin de fer du Toggenburg qu’elle venait d’acquérir.

1er mai 1903, Chemin de fer du Jura-Simplon – JS (y compris la ligne à voie étroite du Brünig).

1er mai 1909, Chemin de fer du Saint-Gothard – GB (Gotthardbahn).

D’autres lignes s’y ajoutèrent :

  • Genève – La Plaine (1913)
  • Chemin de fer du Jura neuchâtelois (1er juillet 1913)
  • Chemin de fer du Tösstal, y compris Wald – Rüti (1918)
  • Seetalbahn (1922)
  • Uerikon – Bauma-Bahn, qui a été suspendue jusqu’à Hinwil (3 octobre 1948).
 

Deux sociétés de navigation faisaient partie de l’héritage de la compagnie NOB. La société de navigation du Lac de Zurich devint indépendante en mai 1903 déjà, mais celle du Lac de Constance n’obtint ce statut qu’en 1996.

Nouvelles lignes et extensions

Au cours des années, le réseau des CFF poursuivit son extension en se dotant de nouvelles constructions. C’est le cas pour le tunnel du Simplon (1906), du chemin de fer du Ricken (1910), du tunnel du Mont d’Or (1915), du tunnel de base du Hauenstein et d’installations de voies sur les rives du lac de Brienz. 1975 vit l’ouverture de la ligne de Heitersberg, 1980 celle de l’aéroport de Zurich, suivie en 1987 de celle de l’aéroport de Genève. En 1990, la ligne de Zurich berg devint l’axe central du réseau express REG de Zurich. La ligne du Grauholz, mise en service en 1995, est le premier tronçon de la nouvelle ligne principale de Rail 2000, Berne – Zurich. Le deuxième tronçon, de Mattstetten à Rothrist, sera ouvert en 2004. Le tunnel de l’Aigle (Adlertunnel), entre Muttenz et Liestal, est en service depuis 2000. D’autres constructions souterraines sont en cours de réalisation: le tunnel de Zimmerberg entre Zurich et Thalwil (2004) et le tunnel de base du Saint-Gothard, ouvrage principal du projet AlpTransit (2013).

En 1902, seul un sixième du réseau était à double voie. Aujourd’hui, c’est le cas pour 55% des lignes.

Les difficultés d’exploitation dues aux grandes lacunes des premières compagnies ferroviaires se manifestèrent rapidement et durent être comblées le plus vite possible. Les gares de Bâle, Lausanne et St Gall furent modernisées avant la première guerre mondiale. Celles de Bienne, Thoune et Genève suivirent après le conflit. Depuis cette époque, la plus grande partie des 4'000 ponts ont été renforcés ou remplacés, et les 270 tunnels ont été assainis. Une superstructure plus lourde a été mise en place. En 1960 débuta l’ère des longs rails entièrement soudés. Par ailleurs, les installations de sécurité et de télécommunications ont largement bénéficié des progrès de la technique. Leur modernisation permanente va de pair avec celle du matériel roulant, dont le parc a été uniformisé et enrichi.

Les travaux d’extension et de renouvellement ont dû être presque interrompus pendant la deuxième guerre mondiale et les années consécutives. Il en est résulté un énorme besoin de rattrapage qui s’est manifesté à partir de la fin des années 50.

La traction jusqu’à nos jours

Après les essais qui eurent lieu entre 1905 et 1909 avec le courant ~ monophasé et avec le courant triphasé sur la ligne du Simplon à partir de 1906, les CFF décidèrent en 1913 d’électrifier les lignes principales. En 1916, le choix du système était fait. La première guerre mondiale retarda toutefois les travaux. En 1919, la ligne Berne – Thoune fut électrifiée au moyen d’une installation de secours. Dès 1920, les trains circulèrent en traction électrique sur la ligne du Saint-Gothard. Après six étapes consécutives, l’extension de l’électrification s’acheva en 1960, ce qui permit d’exploiter tout le réseau avec de l’énergie renouvelable.

L’évolution des engins de traction est spectaculaire. Les premières locomotives électriques étaient dotées, à l’instar des locomotives à vapeur, d’un entraînement à bielles. Elles furent suivies, en 1946, de machines à caisses rigides et à essieux moteurs. En 1990 débuta l’ère des locomotives à bogies, dont les derniers exemplaires, les Re 460, sont dotés d’un équipement électronique à haute puissance et de moteurs asynchrones. Pour l’instant, cette technique est à la pointe du progrès. Le dernier train régulier tracté par une locomotive à vapeur a circulé en 1968. Des automotrices ont été mises en service très rapidement en trafic d’agglomération. Quelques jalons importants dans l’évolution du matériel de traction ne sauraient être passés sous silence. En 1935 apparaît la célèbre «Flèche Rouge», dotée d’une caisse autoporteuse en métal léger, en 1957, les trains TEE climatisés avec tunnels pour l’intercirculation sont mis en service suivis, en 1961, des TEE quadricourant, capables de circuler sur les réseaux des pays voisins. A partir de 1959, des automotrices à haute puissance remorquèrent les trains intervilles, avant qu’elles ne soient utilisés en trafic REG. Les RABDe 500 (ICN) ont été introduits en 1998. Ces trains sont le fruit des techniques les plus modernes. Leur équipement électrique et leurs moteurs sont répartis sur l’ensemble de la composition, ce qui réduit le poids à l’essieu. Par ailleurs, ils sont dotés de caisses inclinables, ce qui leur permet de franchir les courbes à des vitesses plus élevées.

Le parc des voitures et des wagons évolue aussi très rapidement

Les caisses en bois ont disparu définitivement en 1969. L’apparition des voitures en métal léger marqua, en 1937, un tournant dans la formation des trains intervilles. En 1956, les voitures unifiées du type I furent mises en service. Une innovation remarquée furent les voitures unifiées du type III. Introduites en 1972, elles étaient les premières voitures climatisées, dont les fenêtres ne pouvaient plus être ouvertes. Les trains à deux niveaux circulent dans la région zurichoise depuis 1989 (RER) et en trafic intervilles depuis 1998.

Le parc de wagons s’est beaucoup transformé. Il comportait à l’époque 10'000 unités réparties en gros sur trois types (wagons couverts, wagons ouverts à hautes parois et wagons plats). Aujourd’hui, ce parc a doublé et s’est énormément diversifié. Les wagons spéciaux offrent des capacités beaucoup plus grandes. Un tiers de ce parc appartient aux chargeurs.

Organisation et service public

Une modification fondamentale intervint dans l’organisation des CFF en 1924. Le nombre des membres du conseil d’administration tomba de 55 à 15 et celui de directeurs généraux de 5 à 3. Les cinq directions d’arrondissement, avec chacune trois directeurs, furent réduites à trois, dirigées chacune par un seul directeur. Les conseils d’arrondissement disparurent en 1936, alors que les directions d’arrondissement elles-mêmes subsistèrent jusqu’à la réforme des chemins de fer de 1998.

Il arriva fréquemment que les CFF ne purent présenter des comptes équilibrés. Au début de leur ère, la raison des déficits était le fait que, lors du rachat, ils avaient payé trop cher du matériel et des installations désuètes. Plus tard, les déficits ont été attribués aux distorsions des conditions de concurrence par rapport à la route. Mais la politique a aussi été à l’origine de situations financières difficiles, car les CFF ont été à plusieurs reprises mis à contribution, sans indemnisation quelconque, pour des missions relevant des politiques REGe, économique et sociale, ainsi que des besoins de la défense du territoire. Les assainissements et les mandats de prestations ont eu parfois des effets compensatoires. Mais ce n’est qu’avec la réforme des chemins de fer 1998/1999 qu’une clarification complète intervint et que les rôles furent définis sans équivoque. A ce jour, les CFF sont toujours très appréciés en tant qu’employeurs et aussi en tant que clients de multiples branches économiques.

Encore plus de prestations et productivité accrue Les CFF ont accru considérablement leurs prestations et leur productivité. Le nombre des collaborateurs par 100'000 kilomètres-trains a diminué de 108,3 (1903) à 46 (1970) puis à 22 environ (2000). La densité moyenne des trains était en 1903 de 26, en 1970 de 85 et, en l’an 2000, de 123 (dont 91 trains voyageurs et 26 trains marchandises).

A ces prestations d’exploitation correspondent des prestations de trafic plus élevées. C’est ainsi que les kilomètres-voyageurs ont cru durant les seules 30 dernières années de 57%. Ce chiffre est encore plus élevé en trafic de fret, puisque le nombre des kilomètres-marchandises a augmenté de 65%. En termes de recettes, les CFF se sont transformés au cours du siècle d’un chemin de fer à vocation marchandises en un système voué en premier lieu au trafic voyageurs. La part du trafic voyageurs, qui était de 39.5% en 1903, a passé aujourd’hui à 57.4%.

La qualité des prestations n’a pas toujours suivi l’évolution de ces chiffres. Bien des progrès ont été enregistrés dans les domaines du raccourcissement des temps de parcours, du nouveau matériel roulant et de l’amélioration des installations. Force est cependant de constater que la propreté (trains couverts de graffitis), et la ponctualité (trafic marchandises) n’ont plus atteint, à diverses époques, le niveau voulu. Les CFF se doivent de vouer plus d’attention à ces aspects s’ils tiennent à demeurer le symbole altier des qualités helvétiques.

Patrimoine national historique Les CFF ont hérité d’une grande variété de vestiges du passé. Ce sont des documents, des livres, des titres de transport, des véhicules, des lanternes, des affiches, du matériel de voie, etc. A l’occasion de leur centième anniversaire, ils ont créé une fondation de droit privé chargée de gérer toutes ces reliques. La mission de la «Fondation chargée du patrimoine historique des CFF» est de conserver de manière adéquate les objets qui lui ont été confiés, d’en établir une documentation, de les entretenir et de les compléter. Par ailleurs, la fondation est chargée de les mettre à disposition de la collectivité publique et des milieux scientifiques.

La création des CFF, une nationalisation ou un rachat ?

Jusqu’à la réforme de l’entreprise de 1998, les Chemins de fer fédéraux suisses ont été considérés du point de vue juridique comme «entreprise indépendante de droit public appartenant à la Confédération helvétique, sans personnalité juridique». Selon la volonté du souverain, l’achat de chemins de fer privés avait conduit, il y a cent ans, à la création de la régie fédérale qui porta d’emblée le nom «Chemins de fer fédéraux suisses» (CFF). Aucun acte officiel ne sanctionna toutefois cette nationalisation.

Pour qu’une personne ou une institution puisse «racheter» une chose, il faut que cette chose lui ait appartenu auparavant. Aux termes de la Constitution, la Confédération est l’organe législatif, un pouvoir qui s’étend également au secteur des chemins de fer. Les chemins de fer sont considérés comme ouvrage public. Aucune de ces raisons ne permet de déduire que la Confédération était propriétaire de chemins de fer privés. Il y a aussi lieu de constater qu’aucune autre loi fédérale ne porte dans son titre le vocable, irritant à plusieurs égards, de «rachat».

Autres anniversaires de chemins de fer en l’an 2002

125 ans  
Yverdon-les-Bains – Payerne 1er février 1877
Lausanne-Flon – Ouchy (funiculaire, transformé en 1958 en chemin de fer à crémaillère) 16 mars 1877
Glovelier – Porrentruy 30 mars 1877
Wädenswil – Einsiedeln 1er mai 1877
Court – Moutier 24 mai 1877
Sierre – Leuk 1er juin 1877
Premier tramway à Bienne 18 août 1877
Baden Oberstadt – Lenzburg – Suhr – Zofingen, Suhr – Aarau 6 septembre 1877
Niederglatt – Wettingen (exploitation suspendue en 1937, ligne supprimée en 1969) 1er octobre 1877
Winterthur – Kloten – Seebach – Wettingen – Baden-Oberstadt 15 octobre 1877
   
100 ans  
Bremgarten – Dietikon 1er mai 1902
Ausserholligen – Bern 1er mai 1902
Kriens – Sonnenberg (funiculaire) 5 mai 1902
La Sallaz – Chalet-à-Gobet (transformation en ligne de bus en 1963) 16 mai 1902
Chalet-à-Gobet – Mézières, En Marin – Savigny (transformation en ligne de bus en 1963)  1er octobre 1902
Vevey – Chamby 1er octobre 1902
Dreispitz – Dornach (terminus Aeschenplatz) 6 octobre 1902
Erlenbach – Zweisimmen 31 octobre 1902
Burgistein – Wattenwil – Thun 1er novembre 1902
Mézières – Moudon (transformation en ligne de bus en 1962) 10 novembre 1902
   
75 ans  
Zurich–Zurich Wollishofen (mise en souterrain avec deux nouveaux tunnels) 1er mars 1927
Zurich Wiedikon–Zurich Giesshübel (déplacement) 21 mars 1927
Locarno – Locarno S. Antonio (Via Macello) 8 avril 1927
Gellert–Basel SBB RB (trafic marchandises seulement) 19 avril 1927
Harissenbucht – Fürigen (funiculaire) 25 mai 1927
Lausanne-Sébeillon – Renens VD (trafic marchandises seulement) 14 juillet 1927
   
25 ans  
Taverne-Torricella – Lugano Vedeggio (trafic marchandises seulement) 22 mai 1977

 

Source Litra
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